Étymologie
Quand on analyse les caractères qui forment les diverses appellations du maniement du sabre et quand on en examine le concept qui les accompagne, l’essence de cet art commence à se faire plus compréhensible.
居合術 (Iai-jutsu)
L’art (jutsu/術) de faire face/de confronter/d’accepter (ai/合) l’existence (i/居)
抜刀術 (Battō-jutsu)
L’art (jutsu/術) de dégainer (batsu/nuku/抜) le sabre (tō/刀)
夢想神伝流 (Musō Shinden Ryū )
L’école (ryū/流) de la divine (shinden/神伝) vision/rêve (musō/神伝)
抜刀法 (Battō-hō)
Les principes (hō/法) pour dégainer (batsu/nuku/抜) le sabre (tō/刀)
居合道 (Iai-dō)
La voie (dō/michi/道) pour faire face/confronter/accepter (ai/合) l’existence (i/居)
Iai-dō
Trois concepts se trouvent donc rassemblés et confondus : 1. Dégainer le sabre (battō), 2. Outil de survie (iai) d’inspiration divine (musō shinden) et 3. Discipline (dō).
Le sens des termes jutsu (術), dō/michi (道) et hō (法) est proche et ces trois termes renvoient tous au concept d’un travail (dans le sens de l’étude) sur toute la durée de la vie qui doit conduire à la réalisation de soi. Dō désigne « la voie » dans un sens spirituel mais peut également être lu michi, qui alors signifie « la voie/le chemin/la route ».
Le caractère batsu (抜) utilisé dans le mot battō et qui signifie « dégainer le sabre », peut également être lu nu(ku), c’est-à-dire « enlever/dégainer ».
Le caractère I (居) signifie « être/exister (iru) et implique que le « moi » est un lien essentiel entre le corps et l’esprit. Le caractère ai (合) implique une faculté d’harmonisation, l’aptitude à faire face aux situations au moment de leur occurrence.
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Tamura Nobuyoshi Sensei |
Mon Histoire
Quant à moi, ma première introduction au iai-dō a lieu vers 1972, peu de temps après mes débuts d’aikido sous la direction de Tamura Nobuyoshi Sensei. Pendant les stages d’été, Tamura Sensei conduisait toujours quelques classes de iai-dō. Immédiatement conquis, je me suis rapidement procuré un sabre de pacotille dit mugitō fabriqué dans un alliage d’aluminium et non affuté évidemment ! Il me faudra attendre l’été 1977 pour découvrir « la vérité » avec la venue de Mitsuzuka Takeshi Sensei, invité, sur les conseils de Chiba Kazuo Sensei, par Tamura Sensei pour enseigner le iai-dō pendant les stages d’été.
Chiba Sensei qui, après avoir séjourné et enseigné pendant une dizaine d’années en Grande-Bretagne (de 1966 à 1976), avait rejoint le Hombu Dojo à Tokyo, ne tarissait pas d’éloges à propos de Mitsuzuka Sensei. Ce dernier avait en effet étudié pendant quelques années sous la direction de Nakayama Hakudō Sensei, le fondateur de Ōmori-ryū, l’école de iai-dō que tous les membres du Birankai (le groupe de travail fondé par Chiba Sensei) étudient aujourd’hui. Bien que Mitsuzuka Sensei n’air étudié que brièvement sous la direction de Nakayama Sensei, il avait semble-t-il parfaitement saisi l’essence de son travail. Parler de « direction » à propos de l’enseignement de Nakayama Hakudō est sans aucun doute un contresens. En réalité, il n’enseignait pas du tout et, si l’on en croit les souvenirs rapportés par Mitsuzuka Sensei lui-même, il s’agissait littéralement de « voler » le savoir du maître. Quand Nakayama Sensei s’entraînait, c’était la nuit, toutes lumières éteintes, portes et fenêtres fermées, à l’écart de tout regard indiscret. Les élèves tachaient de s’approcher en silence au plus près du dojo, puis de colleur leur oreille aux portes en papier pour tenter de reconstituer les mouvements leur maître en écoutant les frottements et les bruits étouffés en résultant !
À mon arrivée au Japon et dans le dojo de Mitsuzuka Sensei, j’eus la chance d’assister à une démonstration complète de l’ensemble des techniques de Ōmori-ryū par Mitsuzuka Sensei lui-même, une démonstration qu’il me faudrait attendre vingt ans pour y assister de nouveau !
Bien qu’ayant déjà étudié sous la direction de Tamura Sensei et de Chiba Sensei, je n’avais qu’une idée superficielle des maîtres japonais (à l’époque, Chiba Sensei avait à peine plus de trente ans, c’était un instructeur plein d’énergie et d’exigences, ne parlant pas le français et à l’anglais difficile à comprendre – en d’autres termes, une personne particulièrement effrayante). Mitsuzuka Sensei, au contraire, était quelqu’un d’affable, ouvert et souriant. Pendant sa visite, durant l’été 1977, il participa à trois ou quatre stages et l’on m’avait confié, en même temps qu’à l’un des élèves proches de Tamura Sensei, le soin de veiller à son confort et de le véhiculer d’un endroit à l’autre. Si Mitsuzuka Sensei ne parlait ni français, ni anglais, je n’avais aucune connaissance de japonais, et pourtant nous arrivions tant bien que mal à nous comprendre. J’avais vu la manière dont Tamura Sensei traitait Mitsuzuka Sensei avec grand respect de sorte qu’il ne me vint jamais à l’esprit que le fait de me trouver ainsi en contact avec lui pouvait m’autoriser une quelconque prérogative. Une fois vêtu de son keikogi et de son hakama, le visage barré d’une superbe moustache à la Meiji, il avait une allure majestueuse et imposante.
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Mitsuzuka Sensei à Berkeley Aikikai, Années 1980, Uke : Chiba Sensei |
Je suis arrivé au Japon le 4 octobre 1977, un mois seulement après le retour de Mitsuzuka Sensei de son séjour en France. Il m’était toutefois impossible de me présenter au dōjō sans autre forme de procès, l’accès m’y aurait été interdit. C’est Chiba Sensei qui s’est chargé de me « présenter » officiellement à Mitsuzuka Sensei et de lui demander s’il voulait bien m’accepter comme élève.
Personne n’était chargé de diriger les classes. Les séances d’entraînement commençaient à une heure donnée mais ne se terminaient que lorsque Mitsuzuka Sensei en donnait l’ordre. La séance pouvait aussi bien durer les deux heures prévues que se poursuivre pour quatre voire cinq heures. J’ai vite compris qu’ici, personne n’allait m’enseigner. Mitsuzuka Sensei m’avait montré l’ensemble du curriculum d’Ōmori-ryū, j’étais désormais seul. J’ai également vite réalisé que les autres membres du dōjō, mes sempai (mes seniors), étaient ceux qui allaient me guider et qu’il ne suffisait de les copier, de les imiter, de les suivre. De temps à autre Mitsuzuka Sensei m’observait, puis secouait la tête et murmurait un «dame, yarinaosu» (Non, recommence !) – à peine audible. C’est au cours de ces première années que j’ai compris ce qu’étudier le Iai signifiait véritablement.
L’étude du Iai-dō est une discipline qui met en œuvre dévouement et engagement. Cette étude passe par un entraînement physique et un travail de formes qui doit être effectué et sous la direction d’un maître et de manière solitaire, et par une recherche spirituelle qui vise un objectif de réalisation de soi. Il s’agit d’une entreprise à long terme qui dure toute une vie car chaque aboutissement ouvre la porte vers des horizons infinis et des territoires inexplorés.
L’étude des formes doit s’effectuer dans le respect des point suivants :
Nukitsuke, sortir le sabre de son fourreau.
Seme, impact physique et psychologique sur l’opposant.
Furikaburi, armer le sabre.
Kiritsuke, couper.
Chiburi, éjecter le sang se trouvant sur le sabre.
Nōtō, rengainer le sabre.
Metsuke, point où le regard doit se poser.
Ces différents points ne doivent pas être isolés les uns des autres. Ils constituent un ensemble à travailler dans un objectif de mouvement parfait par le contrôle physique et mental de soi-même.
Battō-jutsu ou iai-jutsu était la « voie du guerrier » vers une longue vie, le sabre constituant l’outil permettant d’éliminer les ennemis et donc de rester vivant.
Il est important, dans la pratique de l’art du maniement du sabre, de bien garder à l’esprit que le sabre était une arme de combat utilisée sur le champ de bataille. Quand les temps ont changé et que la paix a prévalu, le champ de bataille a disparu mais l’esprit du guerrier est demeuré et s’est maintenu grâce à une pratique intense, non pour donner la mort mais pour construire un esprit fort capable de faire face aux difficultés de la vie.
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Hayashizaki Jinsuke Shigenobu |
Lignée
Musō Shinden Ryū Iai-dō (lignée) 夢想神傳流居合系統 | ||||
Sokei | Période | Nom | Ryū | |
Foundateur | c. 1546-1621 | Hayashizaki Jinsuke Shigenobu | 林崎 甚介 源 重信 | Shimmei Musō Ryū -> Shin Musō Hayashizaki Ryū |
2nd | c. fin 1500 | Tamiya Heibei Shigemasa | 田宮 平兵衛 成政 | Tamiya Ryū |
3rd | dates incertaines | Nagano Muraku Nyūdō Kinrōsai | 長野 無楽 入道 槿露済 | Muraku Ryū |
4th | dates incertaines | Momo Gumbei Mitsuhige | 百々 軍兵 衛 尉 光重 | |
5th | dates incertaines | Arikawa Shōzaemon Munetsugu | 蟻川 正左エ門 宗続 | |
6th | dates incertaines | Banno Danemon no Jō Nobusada | 万野 団エ門 信 | |
7th | dates incertaines/ né fin 16e | Hasegawa Chikaranosuke Eishin (Hidenobu) | 長谷川 主税 助 英信 | Musō Jikiden Eishin Ryū |
8th | dates incertaines | Arai Seitetsu Kiyonobu | 荒井 勢哲 清信 | |
9th | 1661-1732 | Hayashi Rokudayū Morimasa | 林 六太夫 守政 | Ōmori Ryū |
10th | mort en 1776 | Hayashi Yasudayū Seisho | 林 安太夫 政 | |
11th | mort en 1790 | Ōguro Motoemon Kiyokatsu | 大黒 元右エ門 清勝 | |
12th | 18e/19e | Matsuyoshi Teisukee (Shinsuke) Hisanari | 松吉 貞助 久成 | |
13th | 18e/19e | Yamakawa Kyūzō Yukikatsu (Yukio) | 山川 久蔵 幸雅 | |
14th | 19e | Shimomura (Tsubouchi) Mōichi (Seisure) Sadamasa | 下村 茂市 定政 | |
15th | 19e/20e | Hosokawa (Gishō) Yoshimasa (Yoshiuma) | 細川 義昌 | |
16th | 1869-1958 | Nakayama (Hakudō) (Yūshin) Hiromichi | 中山 博道 | Musō Shinden Ryū battō-jutsu |
Musō Shinden Ryū Iai-dō aujourd’hui
Ōmori Ryū
L’étude de Musō Shinden Ryū Iai-dō aujourd’hui inclut les trois niveaux suivants :
Shoden | – Premier niveau pour débutants. Chacun des douze kata (formes), à l’exception d’un seul, commence et se termine dans la position à genoux traditionnelle japonaise (seiza). |
Chuden (Hasegawa Eishin Ryū) | – Deuxième niveau pour élèves avancés. Les dix kata commencent dans la position tatehiza (un seul genou au sol) et se terminent dans la position à genoux (seiza). |
Okuden | – Niveau supérieur pour élèves très avancés. Le niveau Okuden comprend deux parties : une série à genoux (suwari waza) comprenant neuf kata et une série debout (tachi waza) comprenant onze ou douze kata. |
Premier niveau, Shoden
Les douze kata du premier niveau, Shoden, sont :
Shoden / 初伝(しょでん) | |||
Ippon-me | SHOHATTŌ | 一本目 | 初発刀 |
Nihon-me | SATŌ | 二本目 | 左刀 |
Sanbon-me | UTŌ | 三本目 | 右刀 |
Yonhon-me | ATARITŌ | 四本目 | 当刀 |
Gohon-me | INYŌSHINTAI | 五本目 | 陰陽進退 |
Roppon-me | RYŪTŌ | 六本目 | 流刀 |
Shitchihon-me | JUNTŌ | 七本目 | 順刀 |
Hatchihon-me | GYAKUTŌ | 八本目 | 逆刀 |
Kyuhon-me | SEICHUTŌ | 九本目 | 勢中刀 |
Djuppon-me | KORANTŌ | 十本目 | 虎乱刀 |
Djuippon-me | GYAKUTE INYŌSHINTAI | 十一本目 | 逆手陰陽進退 |
Djunihon-me | BATTŌ | 十二本目 | 抜刀 |
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Haga Junichi – Shoden Tchiburi |
Deuxième niveau, Chūden,
Les dix kata du deuxième niveau, Chūden, sont :
Chuden / 中伝(ちゅうでん) | |||
Ippon-me | YOKOGUMO | 一本目 | 横雲 |
Nihon-me | TORAISSOKU | 二本目 | 虎一足 |
Sanbon-me | INAZUMA | 三本目 | 稲妻 |
Yonhon-me | UKIGUMO | 四本目 | 浮雲 |
Gohon-me | YAMAOROSHI | 五本目 | 山颪 |
Roppon-me | IWANAMI | 六本目 | 岩浪 |
Shitchihon-me | UROKOGAESHI | 七本目 | 鱗返 |
Hatchihon-me | NAMIGAESHI | 八本目 | 浪返 |
Kyuhon-me | TAKIOTOSHI | 九本目 | 滝落 |
Djuppon-me | NUKIUCHI | 十本目 | 抜打 |
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Nakayama Hakudo – Chuden : Yonhon-me, Ukigumo |
niveau supérieur, Okuden
Okuden Suwariwaza
Les neuf kata en position assise du niveau supérieur, Okuden Suwariwaza, sont :
Okuden suwariwaza / 億伝 座業(おくでん すわりわざ) | |||
Ippon-me | KASUMI | 一本目 | 霞 |
Nihon-me | SUNEGAKOI | 二本目 | 脛囲 |
Sanbon-me | SHIHOGIRI | 三本目 | 四方切 |
Yonhon-me | TOZUME | 四本目 | 戸詰 |
Gohon-me | TOWAKI | 五本目 | 戸脇 |
Roppon-me | TANASHITA | 六本目 | 棚下 |
Shitchihon-me | RYOZUME | 七本目 | 両詰 |
Hatchihon-me | TORABASHIIRI | 八本目 | 虎走 |
Kyuhon-me | IROMAGOI (3 forms) | 九本目 | 暇乞 |
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position Tatehiza |
Okuden Tachiwaza
Les douze kata en position debout du niveau supérieur, Okuden Tachiwaza, sont :
Okuden tachiwaza / 億伝 立業(おくでん たちわざ) | |||
Ippon-me | YUKIZURE | 一本目 | 行連 |
Nihon-me | RENTATSU | 二本目 | 連達 |
Sanbon-me | SOMAGURI | 三本目 | 惣捲 |
Yonhon-me | SODOME | 四本目 | 総留 |
Gohon-me | SHINOBU | 五本目 | 信夫 |
Roppon-me | YUKICHIGAI | 六本目 | 行違 |
Shitchihon-me | SODESURIGAESHI | 七本目 | 袖摺返 |
Hatchihon-me | MONIRI | 八本目 | 門入 |
Kyuhon-me | KABEZOI | 九本目 | 壁添 |
Djuppon-me | UKENAGASHI | 十本目 | 受流 |
Djuippon-me | OIKAKEGIRI | 十一本目 | 追掛斬 |
Djunihon-me | YOUSHIHIKIZURE | 十二本目 | 両士引連 |
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Mitsuzuka Takeshi & Sylvain Paul, c. 1980s |
Shindō Munen-ryū
Dans le cadre du Sanshinkai, l’organisation qu’il avait lui-même créée, Mitsuzuka Sensei enseignait également un style de iaijustu appelé Shindō Munen-ryū. Ce style a été reconstitué par Mitsuzuka Sensei à partir d’un makimono (rouleau) décrivant les formes du Hosoda Ryū afin de permettre aux élèves avancés de travailler des formes debout hors du curriculum propre à Musō Shinden Ryū.
Les douze formes debout de Shindō Munen Ryū/Hosoda Ryū sont :
Shindō Munen Ryū/神道無念流 (しんどうむねんりゅう) | |||
Ippon-me | IWANAMI | 一本目 | 岩浪 |
Nihon-me | UKIFUNE GAESHI | 二本目 | 浮船返し |
Sanbon-me | NOARASHI GAESHI | 三本目 | 野嵐返し |
Yonhon-me | UTSUSEMI | 四本目 | 空蝉 |
Gohon-me | MATSUKAZE | 五本目 | 松風 |
Roppon-me | ZANGETSU HIDARI | 六本目 | 残月左 |
Shitchihon-me | ZANGETSU MIGI | 七本目 | 残月右 |
Hatchihon-me | DOTO GAESHI | 八本目 | 怒涛返し |
Kyuhon-me | RAITŌ GAESHI | 九本目 | 雷刀返し |
Djuppon-me | YOTŌ | 十本目 | 陽刀 |
Djuippon-me | INTŌ | 十一本目 | 陰刀 |
Djunihon-me | INAZUMA GAESHI | 十二本目 | 稲妻返し |
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Mitsuzuka Takeshi |
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