Retour en France après quelques mois en Afrique. J’étais alors insoumis, on me dénonça, et je fus donc accueilli généreusement par les parachutistes du Général Bigeard dans leurs rangs. La section disciplinaire de ce régiment qui rassemblait une douzaine de ‘non soumis’ avait « l’honneur » d’être toujours la première à quitter l’avion lors des sauts d’entraînement. J’apprendrai plus tard qu’en cas de conflit, c’est effectivement cette section qui saute en premier et donc se fait descendre par ceux au sol qui sont attaqués, ce qui permet aux parachutistes qui suivent d’espérer arriver à terre avant d’être atteints.
Les moustiques, tout aussi généreux, m’ont contaminé et la malaria m’accompagnera toute ma vie.
Quelques mois après ma « libération », j’ai trouvé un emploi à Tours, en Indre-et-Loire.
À peine arrivé là et n’y connaissant encore personne, je décide un soir d’aller au cinéma.
Le mardi, à Tours, à l’époque, les cinémas faisaient relâche. Je me retrouve donc devant un rideau de fer (ou peut-être une grille) baissé, mais je ne suis pas seul. Un autre visiteur, étranger à la ville également, contemple la façade aveugle. On décide d’aller boire un verre au café du coin et tandis qu’on sirote, un poste de télévision muet (du moins dans mes souvenirs) diffuse une émission sur les arts martiaux.
Il s’agissait peut-être du film de Michel Random intitulé ‘Les Arts Martiaux du Japon’ que l’on peut encore voir dans les archives de l’INA.
Je n’avais jamais, jusqu’à ce jour, montré d’intérêt ni pour les arts martiaux (je venais de vivre une assez mauvaise expérience ‘martiale’), ni pour le Japon. Ce film, long de plus d’une heure, montrait des images de divers arts martiaux pratiqués au Japon. Or, juste au moment où je pénètre dans ce café et tourne mes yeux vers le poste de télévision, c’est la partie consacrée à l’Aikido qui est à l’écran. C’est le choc.
Le lendemain, j’apprends, par la Mairie de la ville, l’existence d’un cours d’Aikido à Tours. Je ne suis même pas surpris d’entendre que, oui, bien sûr, l’Aikido est pratiqué et enseigné dans le dojo de la salle municipale des sports !
Gérald Servat enseigne. Je vais suivre mon premier cours.
Vêtu d’un keikogi tout neuf, je pénètre sur le tatami. Plusieurs pratiquants sont assis, formant une rangée qui fait face à un homme, assis lui aussi, mais seul, de l’autre côté.
Convaincu qu’il est grossier de laisser ainsi ce malheureux seul, je traverse le tatami pour m’asseoir près de lui. Ça ricane dans la rangée, mais il se contente de tourner la tête vers moi et, sans un mot, me désigne la rangée qu’il me faut aller rejoindre.

Très vite, Gérald Servat me fait connaître le petit monde de l’Aikido qui existait à l’époque en France. Tamura Nobuyoshi Sensei est alors chargé de l’enseignement au niveau national.

Puis, en 1973 ou 1974, Chiba Kazuo Sensei est invité à co-diriger le stage d’été de Villefranche-de-Rouergue.
Depuis 1966 Chiba Sensei vit en Angleterre où, après de multiples difficultés, il a réussi à ouvrir un dojo à Londres. (Voir le site : T. K. Chiba Shihan – Une vie dédiée à l’Aikido. Une biographie de Chiba Sensei, The Life Giving Sword, par Liese Klein, est disponible en anglais.)
Après le choc du film télévisé, c’est le choc Chiba Kazuo.
Il est jeune et déborde d’énergie. Il semble constamment en colère et pourtant, hors du tatami il est très cordial. Je me suis déboîté le petit doigt du pied gauche pendant le stage, il me confectionne un emplâtre à base de blanc d’œuf.
L’année suivante lors du stage d’été d’Annecy, il me donne une correction publique en m’assommant sur iriminage. Je m’en souviens encore. Du coup je vais le voir en Grande-Bretagne où je vais également rencontrer son beau-père Sekiya Sensei, dojocho du dojo de Shibuya de Yamaguchi Seigo Sensei au Japon.

J’ai peu de souvenirs de mes visites en Grande-Bretagne, si ce n’est celui d’un skit (sketch parodique), un canon chanté par le groupe des Français (Jean-Paul et Yvette Avy en font partie, ceux qui en étaient se reconnaîtront) exécuté lors de la fête de clôture de la Summer School (stage d’été), ainsi que du lieu dans lequel se déroulaient les cours, l’église des anciens bâtiments de l’Université de Bangor au Pays de Galles.
Bonjour Didier, interessant de savoir ton insoumission qui t’a permis un accueil spécial auprès des Paras. Tu aurais été de la chair à fusil dis tu en cas de conflit mais j’imagine que le traitement au quotidien devais devait être pénible. Tu devrais livrer quelques anecdotes, l’humanité sera en danger tant que les basses masculines sont tolérées (je me suis mis en situation d’être P4 et ne suis resté que 10jours en caserne).
Puis tu mentionnes le choc de la vision de l’Aikido à la TV, dis nous en plus….j’aurais aimé une révélation de ce type pour moi plus tot. C’est ma banquière à Grasse une très belle femme brune élancée d’une 30aine d’années qui m’a encouragée à essayer. Je dois préciser qu’elle était et toujours mariée à un Aikidoka fort sympathique et parent d’une petite fille. Notre Sensei de Mougins (06) Denis Drogy m’a profondément contaminé au Virus de l’Aikido depuis. Sa gentillesse et sa précision dans son enseignement academique. Oui le Virus fait partie de la vie, souvent une saloperie, (désolé d’apprendre pour toi que tu portes la Malaria) mais symboliquement l’Aikido stimule l’ensemble de nos énergies et c’est très plaisant qu’il soit aussi une source d’inspiration pour de la littérature.
Merci de partager, j’espere que tu va bien.
Mes 4 premieres semaines avec pas mal de travail (à la maison), lecture, étirements tous les jours, m’ont permis de tenir. L’Aikido en pratique nous manque tous terriblement.
A bientot
Jean-Yves